DNF 86 km des 40 bosses

Comme l’article est long et qu’une partie d’entre vous n’ira pas jusqu’au bout, je profite du début pour faire passer un message qui me semble important. Pour pouvoir faire nos courses, il faut des bénévoles sur le bord des chemins et des routes. Pour donner une idée, un trail c’est 1 bénévole pour 15 coureurs, un triathlon ça peut aller jusqu’à 1 bénévole pour 4 coureurs. C’est toujours cool de motiver sa famille ou des potes pour le faire, mais je pense que c’est aussi notre rôle de coureur que de prendre notre part dans la participation des courses. Alors entre 2 objectifs n’hésitez pas à proposer votre aide à l’asso locale !

Aujourd’hui je vous parle de mon abandon sur le 86 km des 40 bosses. C’est plaisant de parler quand tout se passe bien ou presque, mais c’est aussi important de faire le point quand ça merde pour comprendre le pourquoi du comment histoire que ça ne se reproduise plus.

Petite présentation de la course. A l’origine le format de la course était un 43 km avec 2000m D+ et départ matinal. Pour cette année, les organisateurs ont décidé de faire un format ultra en faisant 2 fois la boucle avec un départ à minuit, on se retrouve donc avec 86 km pour 4000m D+. A moins d’une heure de Paris, en forêt de Montmorency, on ne s’attend pas forcément à avoir autant de dénivelé positif. Dans les faits, les organisateurs profitent de chaque bosse qu’ils ont à disposition pour vous la faire monter et descendre dans tous les sens. A noter qu’il y a moins le côté “montagne” que l’on retrouve sur les 25 bosses de Fontainebleau, mais ça reste un terrain d’entraînement très correct, pour un parisien avec une bonne accessibilité.

J’ai choisi cette course car j’avais pour objectif de marquer un certain nombre de points pour pouvoir me présenter sur la Diagonale des fous en 2023 et elle tombait bien au niveau du calendrier. J’ai hésité à me positionner sur la SaintéLyon après avoir déjà fait 2 fois la SaintExpress (44 km), mais tous les copains habitant dans le secteur ont déménagé, j’ai pris la solution de facilité niveau organisation logistique. De plus, il s’agissait d’une première je trouvais ça cool de donner sa chance à une nouvelle course.

Sur la préparation de la course, je suis arrivé à respecter le volume que je m’étais fixé, par contre j’ai fait beaucoup moins de dénivelé que prévu et plus de course tempo. Je me suis donc retrouvé à avoir une certaine inversion dans mes points forts et faibles sur la course. Normalement, je monte très vite et je galère un peu à relancer sur le plat. Sur cette course, je montais que moyennement bien par contre je n’avais aucun souci à faire des relances sur les parties plates. Je me dis qu’avec une bonne balance à l’entraînement si j’arrive à faire les deux ça rendra mes trails d’autant plus faciles.

Ce qui ne s’est pas bien passé niveau préparation, c’est la fatigue générée par le travail. En temps normal, j’ai la possibilité d’arriver à gérer ma charge d’une semaine à l’autre au niveau du boulot, sauf que cette fois, un événement exceptionnel : l’ouverture d’un nouveau magasin, m’a demandé beaucoup d’énergie dans les 15 jours avant la course, sans possibilité de déplacer ces tâches et sans possibilité de bien récupérer entre temps. Sans dire que c’est ce qui m’a fait abandonner, j’ai senti que nerveusement la tête avait craquée bien plus vite que d’habitude.

Pour parler de la course en elle-même, départ à minuit avec attente dans le gymnase pour rester au chaud. Ça change un peu de la SaintéLyon où l’on a généralement bien le temps de se refroidir sur la ligne de départ. Brief de l’organisateur sur le fait de bien suivre les balises, retenez ce point, ça a son importance pour la suite.

Début de décompte pour le départ 10, 9… p#!!?# ma frontale ne fonctionne pas 7, 6 …. ouvrir, 5, 4… prendre la pile 3, 2, 1, PAN ! Retourner la pile, refermer, allumer la frontale. Note pour le Guillaume du futur, le Guillaume boulet t’invite à vérifier ta frontale AVANT le départ.

Premier kilomètre dans une montée bitumée. Personne ne part comme un taré contrairement à la mode en ce moment. Je me place tranquillement dans les 20 premiers. Pas question de faire le kéké aujourd’hui. Je mets juste un peu de rythme pour me réchauffer dans cette première montée. On rentre dans le premier bois et direct une descente de 3-4m de long à 40° avec un bon toboggan de boue. Si on ne savait pas dans quoi on s’embarque, l’orga a décidé d’annoncer la couleur très vite. S’ensuit un passage au milieu de fougères mortes, sans qu’il n’y ait de chemin de tracé, je comprends tout de suite mieux pourquoi tous les logiciels de traçage avaient du mal à représenter la trace de l’organisateur.

Je me cale dans les pieds d’un groupe de coureurs et on commence à s’amuser : on monte une bosse, on la descend, 200m de plat, on remonte la bosse, on la redescend. Vous avez compris le concept, et c’est ça sur 40 bosses a priori (j’ai pas compté personnellement).

Comme je l’avais déjà expliqué l’année dernière sur la SaintExpress, suivre un coureur ça n’a pas un effet aérodynamique ultra important, par contre ça permet vraiment de se reposer au niveau de la tête, une partie trop souvent minimisée en trail. Après 6 ou 7 km je suis toujours le même groupe et là dans une descente je les vois faire un joli tout droit alors que le parcours faisait subtilement demi-tour, pour remonter la bosse que l’on venait de descendre. Je crie un sonore “les gars par là”. Je vois les frontales se tourner, il leur faudra 45 min pour revenir sur moi. Quelques kilomètres plus loin, le parcours traverse une route. Je vois du marquage tout droit et du marquage sur ma gauche. Dans un premier temps je pars à gauche, je me pose 10 secondes, avant de finalement décider de prendre le marquage tout droit. Derrière je vois le groupe se diviser en 2, des gens me suivent, d’autres prennent un chemin qui monte un peu en parallèle avant de partir à gauche. Je doute. Je cours. Je doute encore plus. Je finis par appeler le PC de course pour leur signaler que j’ai un gros doute sur le fait que je sois sur le bon chemin et qu’ils devraient probablement renforcer le balisage au km 10,5. Je finis pas attendre mon groupe de poursuivants. Le mec à la tête de se groupe à l’air confiant sur le fait que l’on est sur le bon chemin alors je reprends la route avec eux. Deux kilomètres plus loin on passe le premier ravitaillement qui confirme que l’on est bon. Pas de stop de mon côté, j’ai ce qu’il faut sur moi.

On est au kilomètre 13 et ce non-ravitaillement express marque le début de presque 30 km de course en solitaire. Je n’avais pas réalisé qu’avec une densité de coureurs aussi faible, 239 au départ, on serait très, très vite isolé dans la course. En temps normal, jusqu’à la mi-course voir un peu plus, je cours avec des gens ou, a minima, j’en ai en ligne de mire. Là je me retrouve à m’enfoncer dans la nuit noire sans voir de frontale ni devant ni derrière.

Je continue bon gré mal gré dans des descentes beaucoup trop noires malgré la frontale pour être vraiment certain d’où je mets les pieds. Si on couple ça à vingt bons centimètres de feuilles mortes, ça donne un total de 6 ou 7 chutes dues à des branches ou des cailloux bien cachés. Petite pensée à Luca Papi, un ultra bon ultra trailer qui a fini aux urgences après une chute qui l’a blessé à la main 😕

J’arrive au second ravitaillement en 2h08 pour 20 bornes et déjà un paquet de bosses de passées. La meilleure ravitailleuse du monde est là, en la personne de Mathilde 🙂 Changement de buff et gourde en mode formule 1 et ça repart.

Pour l’instant je n’ai rien mangé depuis le départ. Rien de dramatique, au contraire j’ai pas mal travaillé la course à jeun pour favoriser la lipolyse et éviter d’avoir un gros effet yoyo à cause du sucre. On avance d’une heure dans la course, je me force à prendre une pompote, qui a vraiment du mal à passer. J’avance comme ça jusqu’au ravitaillement du 29ème km. J’ai l’impression de n’avancer à rien, 1h30 pour faire 9 km, mais de l’autre côté j’ai été doublé par 1 seule personne sur toute cette section, je me dis qu’elle ne devait pas être évidente. Malgré tout j’ai la tête qui commence à lâcher, j’ai plus envie.

Quand j’arrive au ravitaillement, on m’annonce que je suis 7ème de la course. Ça me remonte le moral. Je bois un demi verre de thé glacé pour essayer d’avoir un peu de sucre mais c’est compliqué. A partir de là, c’est la descente aux enfers. Ma tête me dit d’arrêter toutes les 5 min. De l’autre côté, j’essaie de mettre en place toutes les stratégies pour contrer :

la stratégie du mantra : tu n’es pas blessé ? Alors tu continues ! Ne te laisse pas le choix.

la stratégie de l’auto culpabilisation : tu as passé des week- ends à t’entrainer plutôt que de boire des bières (ça c’est de l’auto culpabilisation très forte!) et Mathilde est en train de se les geler dans la voiture alors avance.

la stratégie du résultat : doublé par 1 personne en 9 km, ça craque derrière go pour le top 10 !

la stratégie de l’objectif : il faut que tu finisses pour avoir tes points pour la Diagonale des Fous.

la stratégie de tu as fais plus dur : rappel toi la Corse, rappel toi la Backyard, rappel toi la flotte dans le Jura, etc.

Force est de constater qu’aucune de ces stratégies n’a fonctionné. Je me suis beaucoup battu avec les pensées négatives, mais la tête a fini par vraiment lâcher au point de sortir le téléphone et le GPS pour voir s’il n’y avait pas moyen de venir me faire récupérer en route. J’ai fini par me reprendre en me disant que 9 bornes pour arriver c’est max 1h30 en mode économie d’énergie.

Je ne sais pas si c’est mon état mental qui m’a donné cette impression ou si l’organisateur est réellement un sadique mais on s’est tapé une seconde fois le pont du Diable qui consiste à monter, descendre, monter la plus grosse côte de la course. Après ça, tu vois le bitume et tu as l’impression d’être arrivé, un bénévole te dit “aller 1 km et c’est le ravitaillement”, 200 m plus loin les flèches pointent de nouveau vers la forêt. Pour te faire monter une ultime bosse que tu descends immédiatement sur la route où tu étais 2 min plutôt, juste 200 m plus loin. Puis arrive ce dernier bénévole qui te parle d’un dernier virage et 150 m tout droit, qui se transforme en 6 ou 7 virages et 1 km.

Arrivé enfin au ravitaillement, Mathilde m’attend. On se pose ensemble. Elle fait son job de me motiver et de parler de la suite de la course. Dans ma tête j’ai juste envie de filer mon dossard à l’organisateur et d’aller me coucher, mais j’ai écouté trop de podcasts où les gens racontent avoir regretté un abandon trop rapide. Je me dis que j’ai le temps et que je dois attendre au moins 15 min avant d’avoir le droit d’abandonner. J’essaie de me ravitailler mais rien ne passe, ni le café, ni la soupe, je ne parle même pas du solide. J’essaie même un bonbon en sublingual, mais en moins d’une minute j’ai la nausée. C’est l’élément qui scelle mon abandon. Je ne peux définitivement pas repartir sur une boucle de plus de 6h sans avoir mangé et sans être en mesure de le faire.

Je passe remercier l’organisation et rendre mon dossard, direction la voiture. Toujours nauséeux à la voiture, je me dis que je vais faire un somme rapide histoire de ne pas vomir au premier virage. J’allonge le fauteuil et là c’est direct, j’ai à peine le temps d’ouvrir la porte pour sortir de la voiture que je suis à genoux à côté d’elle en train de vomir. Ah le sport santé qu’on aime… Je vous passe les détails, mais comme je n’avais pas mangé depuis 9h ça n’a pas duré bien longtemps.

Retour chez les amis pour une sieste courte d’une heure. Au réveil, petit enchaînement de crampes comme jamais : muscle tibial antérieur à droite, puis à gauche, puis l’un des muscles de la voûte plantaire. Les potes sont entre la compassion et surtout la bonne moquerie car à chaque fois que je change de position une crampe se déclenche à un nouvel endroit, bref de vrais amis.

Je finis cette journée un peu mitigée en réalisant que je me suis fait voler mon portefeuille et je constate que j’ai pris des galons de zénitude ces dernières années. Je ne me suis pas énervé, je n’ai pas couru partout. Bon après la nuit passée c’est peut-être normal 😉

Pour la suite, je commence la coupure annuelle avec 2 à 3 semaines sans entraînement. Tant pour régénérer le corps que l’esprit. Au moment où j’écris ces lignes on est à S+1, je viens de faire une de plus grosse semaine de boulot de l’année, conclue par le déménagement des potes moqueurs, qui a duré 13 petites heures. J’espère que les 2 prochaines semaines de coupure seront plus reposantes 🙂.

Après la coupure je vais passer sur la saison de cross, un type de course que je n’ai pas fait depuis le collège. On va rechausser les pointes pour aller courir dans la boue et essayer de gagner en vitesse pour préparer le reste de la saison : trail dans les Cévennes / IronMan à Deauville /gros objectif trail à confirmer, mais probablement à la Réunion.