XGTV 2024
L’Expérience Grande Traversée Volcanic “XGTV”
En pleine préparation de la Swiss Peak 360 en septembre, j’ai placé une course test pour faire le point sur l’entraînement, la forme, le matériel. Cette course test c’est L’Expérience Grande Traversée Volcanic “XGTV”, 228 km, 8500m D+. Un départ du Lioran pour finir à Volvic après avoir traversé une bonne partie de l’Auvergne.
Dans un premier temps je me suis inscrit en solo, puis je me suis dit que faire ça en duo serait plus sympa, alors j’ai commencé à contacter des gens. Au grand ahurissement de Mathilde j’avais 4 personnes dans mon entourage à qui je pouvais sérieusement proposer de courir plus de 200 bornes. Finalement c’est Romain, mon cousin, qui a répondu présent pour venir m’accompagner sur les chemins.
Préparation
Niveau préparation, ça ressemble pas mal à ce que je fais d’habitude. J’ai placé l’Infinity trail des Terrils 2 mois avant histoire d’avoir une idée de ce que ça représentait de courir 200 bornes. Puis les vacances sont arrivées et m’ont permis de rattraper le retard que j’avais en terme de dénivelé positif. J’ai placé la barre à 60 000 m minimum d’ici fin août et comme ce n’est pas en Touraine que l’on trouve des bosses, je prends toutes les occasions que je trouve pour gagner en altitude.
Un point notable de la préparation a été celle du matériel obligatoire. En plus des classiques couverture de survie/haut chaud/veste, il nous fallait : un duvet, un briquet, le roadbook imprimé, des micropures… bref des kilos à transporter. Même si j’ai trouvé ça un peu too much, je comprends les organisateurs au vu de la spécificité de la course. En effet, nous n’avions que 5 points de ravitaillement sur l’ensemble de l’épreuve, dont une section de 10h sans support. De plus l’épreuve se déroulait sans balisage, nous devions suivre la trace GPS fournie par l’organisateur. Bref assez roots.
A quelques jours de la course, je commence à m’inquiéter de ne pas stresser. Je m’apprête à partir sur une course deux fois plus longue que le plus long trail que j’ai fait, à savoir le Trail de Bourbon, et je n’ai aucune anxiété. Heureusement la veille de la course mon cerveau commence à réaliser et me fait un peu stresser : ventre pas fou, symptôme de fausse maladie (nez qui coule, raideurs musculaires). Je commence à bien connaître ce petit chenapan et je sais que c’est juste un coup de bluff et qu’au réveil tout aura disparu.
La partie avec Romain
Le matin de la course RDV 1h30 avant le départ pour un petit déj / briefing. On sent qu’il s’agit d’une course particulière. Le petit nombre de coureurs, une centaine, donne vraiment l’impression d’un événement familial. Après un briefing assez complet nous détaillant les conditions venteuses avec des rafales à 90 km/h, les organisateurs invitent quelques traileurs reconnus à passer sur scène dont Casquette Verte qui explique avoir prévu de faire la promenade en 30 à 33 h et invite d’éventuels motivés à le rejoindre pour courir à plusieurs. Deux trois blagues plus tard nous voilà sur la ligne de départ ou plutôt la à-peu-prêt-zone-de-départ, pas de ligne, pas d’arche, pas de chichi on est venus pour la balade pas pour les photos au départ.
Spleuf, splif, splouf, 20m après le départ nous avons déjà les godasses trempées ça donne le ton pour les 2 jours à venir. Deux cent mètres plus loin c’est un schlak ! bien net que j’entends. C’est l’attache permettant d’accrocher mes gantelets sur mes bâtons qui vient de se démonter et tomber dans la boue. Pour résumer, j’ai une paire de bâtons méga super high tech qui est pas loin d’être une aide négative. J’appelle Mathilde pour lui décrire la zone du sinistre. Avec mes parents ils cherchent des survivants, en trouvent mais pas assez pour être en mesure de réparer le bâton. Il faudra donc attendre le premier ravitaillement 35 km plus tard pour reprendre ma bonne vieille paire de Leki avec qui on a fait les 400 coups.
On avance tranquillement pour se mettre à notre place dans le peloton. La première montée se fait sous le signe du vent. Des bourrasques bien froides qui ne donnent pas trop envie de s’éterniser sur place. Le vent joue avec nous comme si nous étions de vulgaires feuilles de papier en nous promenant d’un côté à l’autre du sentier.
Lorsque nous arrivons au ravitaillement, il y a un peu de queue à l’entrée. En effet, à chaque point de contrôle nous devons évaluer notre état physique entre 0 et 6, puis montrer au staff des objets particuliers du matériel obligatoire. A noter que l’organisation a été plus que sérieuse sur le sujet, allant jusqu’à vérifier la charge de nos téléphones portables.
Nous profitons du ravitaillement pour manger solide, récupérer les bâtons de secours et changer de chaussures car mes Saucony se sont ouvertes sur presque 5 cm suite à 1 ou 2 calins trop prononcés avec des cailloux.
Nous repartons directement sur une petite bosse avant d’enchaîner sur presque 30 km de faux plat descendant. A un croisement nous voyons Mathilde et mes parents qui nous indiquent que nous sommes 3ème de la course Duo, sans que nous ayons spécialement cherché à l’être. C’est cool, mais ça vient mettre de la confusion dans ma tête. D’un côté je ne suis pas venu pour faire un podium, de l’autre si on a l’opportunité d’être sur le podium on ne va pas gâcher les chances, alors on relance probablement un peu plus fort et un peu plus régulièrement que nous l’aurions fait normalement. La longue descente sur le bitume nous tend un peu les muscles et nous sommes contents d’arriver au second ravitaillement juste avant la nuit. A noter que sur cette section nous n’avons vu personne ni devant ni derrière (à part les supporters).
Après un arrêt apprécié et un peu de soupe chaude, nous repartons pour attaquer la nuit. Rapidement nous voyons une frontale au loin. Assez naturellement nous avons tendance à accélérer un peu pour la rattraper. Avoir une ligne de mire est vraiment une aide mentale pour ne pas s’endormir sur un faux rythme, qui plus est la nuit. Nous doublons Alexandre, qui nous redoublera, avant qu’on ne le redouble et cela 3 ou 4 fois avant de finalement décider de cheminer ensemble la dernière heure avant le ravitaillement. Les chemins pour arriver au ravito sont une longue succession de chemins transformés en torrents entrecoupés d’herbages spongieux et leur fameux spleuf, splif, splouf du départ. Nous arrivons à la base vie un peu avant le lever du soleil. Mathilde nous y attend avec tout notre matériel. Nous prenons le temps d’aller faire une sieste de 30 min avant de revenir dans la salle commune. L’organisation nous notifie un changement de parcours. Casquette Verte qui est passée en éclaireur en haut du Sancy a appelé l’organisation pour leur dire que c’était un sacré bordel probablement un peu dangereux à cause du vent. L’organisation a donc tracé en urgence un parcours de repli qu’elle a balisé afin de nous faire contourner cet endroit. Sur le papier nous avons 2h d’avance sur le quatrième duo, les 1er et 2nd étant intouchables loin devant.
Nous repartons au petit matin et coupons les frontales 10 minutes après avoir quitté le ravitaillement. S’ensuit beaucoup trop de kilomètres de faux plat montant qui commencent à user. Romain qui vient de dépasser sa plus longue distance jamais courue (70 km) commence à avoir du mal à relancer. Nous adaptons donc le rythme mais la montée en direction du Sancy a raison de ses dernières réserves d’énergie. Arrivé à quelques centaines de mètres du sommet, nous apercevons le balisage de l’itinéraire de repli. Un itinéraire passionnant avec pour thème une descente de piste de ski abrupte, pleine de cailloux. Nous arrivons bon an mal an à la base vie du Mont Dore avec un certain niveau de fatigue et un bon début de blessure à la cheville pour Romain.
Nous nous attardons un peu au ravitaillement pour prendre le temps de manger, faire une courte sieste et laisser le temps à Romain de voir la kiné. Celle-ci n’est pas très inquiète pour les tendons et le strap pour qu’il puisse repartir. Nous nous relançons et Romain me dit directement que ça va être compliqué, qu’il faut que ça chauffe. Je lui rappelle qu’on a encore 20h de course et que si ça ne va pas il vaut mieux s’arrêter à 300m de la base vie que dans la montagne. Il est un peu têtu et très déterminé, nous partons donc à l’ascension de la prochaine bosse.
Comme nous sommes sur l’un des ponts de mai, il y a environ 1000 touristes et randonneurs. C’est un peu pénible pour slalomer au début, puis ça devient sympathique d’avoir des personnes avec qui discuter un bout de chemin, ça fait passer le temps plus vite.
Au début de la descente nous nous faisons rattraper par le duo de 2 Belges. Nous discutons avec eux pendant un bon quart d’heure. Ils expliquent que l’un des deux était dans le mal au début de la course mais que ça va mieux, d’où le fait qu’ils nous aient pris 2h en 4h de course. Ils racontent aussi que c’est un pote qui leur a payé la course car ils sont parrains des jumeaux à venir et que c’est le sprint final de cette course qui déterminera qui est le parrain du 1er et qui est le parrain du 2nd, idée que je trouve très cool. Nous parlons aussi de la course Dragon’s Back Race, une course par étape de 380 km en mode bivouac, dans laquelle toute la nourriture est vegan, évidemment j’ai mis une petite marque dans mon calendrier dans le doute. Pendant que nous parlons avec les Belges qui sont en train de nous reléguer à la troisième place, Mathilde m’appelle pour m’apprendre que le premier duo n’est plus dans la course. Nick et Peter nous disent qu’ils pensent qu’ils ont été disqualifiés car à priori le duo ne courrait pas vraiment en duo et contrevenait donc au règlement. Nous nous disons à plus tard et ils filent vers la victoire.
Après cet intermède qui nous a permis de penser à autre chose, nous reprenons la descente. Mon cerveau déconnecte complètement, au point où je finis par me “réveiller” et me demander où je suis, un peu comme quand on est dans le pâté (végétal) à la sortie d’une sieste, sauf que là j’ai toujours été éveillé. Pour Romain c’est un peu un chemin de croix, son moteur est cassé, ses roues sont crevées et son système de radar devient défaillant. Nous nous arrêtons au stand prêt d’un cimetière où nos supporters nous attendent. Nous faisons le point des forces en présence et les maths concernant notre vitesse de déplacement pour arriver à la conclusion qu’il n’est probablement pas très raisonnable pour Romain de continuer au risque de se blesser plus gravement et de souffrir pendant encore 24h. Appel au PC course pour signaler que Romain arrête et que je continue en étant conscient qu’à partir de maintenant je suis sous ma responsabilité. Je leur demande juste l’autorisation de pouvoir bien profiter des bases vie, ce qu’ils m’accordent. Je remets ma balise à Mathilde, j’active mon suivi sur la montre et c’est parti pour une deuxième aventure.
La partie sans Romain
C’est une nouvelle course qui commence, nous avons fait un bon bout de chemin mais il reste 75 km et une nuit à passer. Je donne une liste de noms de mecs sympas que j’avais croisé sur la route et je demande à Mathilde de me dire où ils sont par rapport à moi. Elle m’indique que Yohann est probablement à une trentaine de minutes devant moi. Comme j’ai été un peu à l’économie ces dernières heures, je mets un coup d’accélérateur et je le ratrappe juste après avoir passé la première bosse. Nous sympathisons et faisons un bout de chemin ensemble, jusqu’à ce qu’il fasse une pause pour se changer.
Me voila vraiment seul. Musique à fond dans la descente, je me fais un gros kiff, avant de croiser ma mère et Mathilde au lac et d’attaquer la seconde nuit. Et là c’est longggggggggggggggggggggggggggg, avec des faux plats et des vrais plats où il faut courir. J’ai les jambes mais ma tête dit non. Aucune frontale devant, aucune frontale derrière, pas d’âme qui vive sur ces chemins de desserte menant à quelques fermes. J’ai mal lu le topo et je m’attendais à voir le prochain ravitaillement avant la bosse, mais celui-ci est caché entre deux bosses. La montée me semble interminable, j’en ai marre, je réfléchis à mettre le clignotant au ravito et dire c’est bon les conneries pour aujourd’hui. Puis je vois une frontale devant moi et là mes jambes se mettent à courir sans que je ne leur demande rien. Je peste tout de même de ne pas voir ne serait ce qu’une lumière au loin pour donner l’objectif à atteindre. J’écris à Mathilde pour lui demander si ce ravito existe vraiment, ce qu’elle me confirme. Je finis par y arriver, mais j’ai perdu toute motivation.
La règle que je me suis fixée pour l’ultra c’est l’interdiction d’abandonner sans avoir fait la sieste avant. Alors je commence à manger un peu, à me préparer pour aller au lit et là Yohann arrive. Il est bien cramé aussi et m’indique qu’il va dormir 2h, ce qui était également mon plan. Nous nous disons que nous essayons de repartir ensemble et finir la nuit à deux. Je m’allonge extinction des feux, 1h45 plus tard je me réveille presque frais et pimpant. Bon ok je mets 5 min avant de pouvoir plier les genoux mais tout va mieux, les muscles, la tête. Yohann se réveille quelques minutes plus tard. Nous nous préparons, aussi rapidement qu’un groupe d’octogénaire, direction la ligne d’arrivée !
Nous reprenons nos discussions avec Yohann. Dès que possible nous essayons de mettre un peu de rythme, mais le temps passe suffisamment lentement pour que nous ayons l’occasion de parler, boulot, courses & autres. Nous finissons par arriver au pied du Puy de Dôme où Mathilde nous attend. Le timing est parfait. Le soleil est en train de se lever. Nous attaquons la montée du Puy en même temps que les coureurs de la VVX 110 km. Certains sont même en train de descendre dont un certain François d’Haene que nous croisons tôt dans la montée. En grimpant, je plaisante sur le fait que je vais pouvoir doubler des gens dans la descente, Mathilde me dit qu’il faut que je revienne à la réalité car avec 180 bornes de plus qu’eux dans les jambes même en étant bon descendeur ça va être compliqué. Nous arrivons en haut, pause photo, pause toilette, pause ravito et nous attaquons la descente. Comme on m’a mis au défi, je dessers le frein à main et je descends à tombeau ouvert, bilan j’ai mangé 3 jaunes (110 km) dans la descente. A noter que Mathilde qui n’aime pas courir arrive à peine 10 secondes derrière moi. Pas mal la descente pour une moldu.
A partir de là nous remontons les coureurs de la VVX 110 km et c’est un flow d’encouragements que nous recevons à chaque fois que nous croisons des coureurs. Pendant une pause technique de Yohann je continue à avancer tranquillement en mangeant mes Oreos et je me fais doubler par une nana qui à l’air de bien courir. Je reconnais le T-shirt Salomon, je jette un coup d’œil au dossard et je réalise qu’il s’agit d’un duo. Sachant que nous avons croisé François d’Haene un peu plus tôt, je percute qu’il s’agit de Camille Bruyas, sa binôme. Je me tape un sprint pour la rattraper. Comme elle est en course, je lui demande la permission de la prendre en photo pour ne pas la déranger. En plus de dire oui, elle s’arrête et prend le temps de faire un selfie. Finalement, ils auront 1h30 d’avance sur les deuxièmes, j’aurais même pu travailler la pose 🙂
C’est à mon tour de faire une pause technique et de réaliser que tenir la position de squat après 200 bornes ce n’est pas si facile que ça… Bref après cette performance artistique nous égrenons les kilomètres, 10, 9, 8… 1 km c’est le moment de se féliciter. Je pars devant pour 1/ Faire plaisir à Nico et faire un 1 km au seuil 2/ Permettre à Yohann d’avoir son arrivée tranquille 3/ Faire le sprint final pour faire plaisir à Benjamin. Ce dernier kilomètre est vraiment kiffant. Ca descend, c’est roulant, on entend le speaker et les spectateurs au loin. Dernier virage, désarmement de la porte opposée, sprint. FIN
Epilogue
Une chouette course, un peu fatigante, avec une organisation qui fait du bon boulot. Des rencontres cool. Des apprentissages pour les courses à venir. Bref, à recommander !
Comme à chaque fois que je fais du long je me dois de remercier l’assistance, que l’on peut appeler staff tellement ils deviennent pro : Mathilde, Chantal, Christophe. Que ça soit pour le soutien logistique en amont, en aval ou pendant la course. Merci à Mathilde de rester éveillée la nuit pour prendre soin de nous. Désolé Chantal de t’empêcher de dormir en allant me promener la nuit en montagne 😉 Un gros merci aux supporters de l’internet qui m’ont pas mal fait sourire tout au long de la course. Ça fait du bien d’avoir des gens avec qui échanger quand il y a des longueurs de la course. C’est chouette aussi d’avoir un mix de trailers et de non-trailers capables de nous faire réaliser que ce que l’on fait n’est pas tout à fait normal.
Évidemment un gros big up à Romain pour sa performance, le dépassement de soi et le compagnon de route qu’il a été. Merci aussi à Yohann, la source de motivation finale dont j’avais besoin pour finir cette course.