UT4M Challenge : Taillefer 3/4

L’UT4M a ça de bien qu’il propose un tas de courses. Tu peux aussi bien courir les 170 km d’un coup, faire une des étapes d’une quarantaine de kilomètres ou même faire la version de 20 km de chaque étape. Ça permet d’en avoir pour tous les goûts. Ce matin, je prends donc le petit déj’ avec l’ami Lucas Dufour qui a lui aussi couru Taillefer hier. On échange un peu nos impressions sur la forme. De son côté, il avait entamé juillet en faisant l’Ecotrail de Paris, 80 km, à peine deux semaines avant, la question de savoir si la récupération serait suffisante pour s’attaquer à cette épreuve et son dénivelé. Au vu de la prestation de Lucas la réponse est : oui. De mon côté, j’ai plein d’énergie, les jambes se tendent un peu mais c’est encore fluide. Fin du petit déj’, je vais rejoindre la ligne de départ.

Ce matin, changement de stratégie de course de dernière minute. Dans le sas de départ, un coureur qui m’a vu monter la veille me conseille de me placer devant lors du départ, car la montée est un long single track dans lequel il est difficile de doubler. En parallèle, le speaker annonce au micro que les 2 premiers de la course ont raté leur vague de départ et qu’ils décolleront avec nous. Ce qui revient à mettre deux F1, sur le départ du 4L Trophy autant dire que le départ s’annonce canon. 5, 4, 3, 2, 1, ça part vite, mais surtout j’entends tout autour de moi les petits cris de gens dont les muscles tout juste réveillés annoncent leur mécontentement de devoir bosser une troisième journée consécutive. De mon côté, tout est au beau fixe. Je réfléchis sur le rythme à adopter pour arriver rapidement à la conclusion que le limitant dans ma course est le genou en descente. Je rentre le soir avec encore de l’énergie dans les jambes ce qui est un peu dommage. J’ouvre les valves du réservoir et je me mets dans le rythme des 2 leaders de la course. Ça va vite pour de l’ultra, c’est grisant, mais tenable. On fait deux kilomètres à cette allure, puis arrive la marque du début du Kilomètre Vertical (KV). Aurélien et Thomas déplient leurs ailes et s’envolent vers le sommet.

De mon côté, j’enclenche le rythme de montée rapide. Si je veux garder ma place dans le top 100, il va falloir que je fasse le trou sur les montées pour avoir suffisamment de marge pour les descentes. Assez rapidement, je commence à reprendre les gens partis sur la vague 1, partis vingt minutes plus tôt. Ce qui est marrant sur ces courses à étapes avec des vagues, c’est qu’on finit par repérer les coureurs de la vague d’avant et à savoir notre état de forme par rapport à eux, d’une journée sur l’autre. D’habitude c’est plutôt en fin de matinée que j’ai l’occasion de lancer un petit mot d’encouragement, mais aujourd’hui je suis vraiment dans mon élément avec ce mur à grimper dès le début.

Je remonte les gens 1 à 1 et à chaque lacet, je vois que l’écart se creuse avec mes poursuivants de la vague 2. On voit les panneaux 400m, 500m D+ passer. C’est très motivant d’avoir des repères de ce type, ça coupe la montée en sous objectifs. Vers le 600m de D+, je croise 2 militaires qui ont installé un bivouac sommaire et qui nous encouragent. Je me dis que c’est cool que leur caserne leur laisse faire des randos comme ça le samedi matin 🙂 Au final, dans la journée je croise une bonne vingtaine de militaires et vu leur placement je comprends qu’ils sont là pour sécuriser les lieux un peu techniques. Il y a notamment un passage technique, où pour la première fois de la course je suis content de voir une corde fixe, tant le dévers est important. J’en profite donc pour remercier le bataillon des chasseurs Alpins.

On arrive vers la fin de la montée et un concurrent me rattrape. Comme il est d’usage en trail sur les chemins étroits, on propose toujours à la personne de derrière de passer si elle le souhaite. Dans ce cas, il m’explique qu’il a fait l’effort pour revenir au contact, mais qu’on a un rythme assez proche. On profite des faux plats, pour discuter un peu. Il finit par m’expliquer qu’il est également inscrit sur l’UT4M challenge, mais qu’il n’a pas pu faire les deux premières journées. Je suis donc un peu rassuré de voir qu’avec le rythme que j’ai imprimé tout au long de la montée, ce n’est pas un de mes concurrents directs avec le même état de forme qui m’a rattrapé.

On arrive à L’Arselle, premier ravitaillement de la journée où je ne pensais pas voir mes parents. En effet, ils doivent être à la Croix de Chamrousse pour 10h pour gérer mon ravitaillement principal de la journée et les deux seuls moyens d’y accéder sont : une très longue randonnée ou le téléphérique. Au vu du timing de l’ouverture du téléphérique on s’était dit la veille que je les retrouverai seulement en haut, mais il semble qu’en refaisant tous leurs calculs ils soient arrivés à caser une rencontre de plus. Le timing était toutefois vraiment serré, car j’ai dû les héler en arrivant sur le ravitaillement, car ils étaient sur le chemin pour le rejoindre.
Ravitaillement, rapide avant de reprendre l’ascension pour la Croix de Chamrousse. Ascension très sympa. C’est moins raide que la première partie de ce matin, mais ça monte tout de même. Pour la première fois depuis le début de cet UT4M on a vraiment une vue sur la montagne, ses alentours. Le rythme en montée permet de pouvoir prendre des photos tout en marchant, alors j’en profite pour faire le touriste. De plus, rien de sert d’aller à bloc dans cette montée au risque d’arriver au ravitaillement avant mes assistants.

Pour ceux qui ne sont pas familier avec le concept d’assistance sur les courses. La course se déroule en semi-autonomie. L’organisation met en place un certain nombre de ravitaillements sur lesquels on peut manger et prendre 2-3 choses à manger pour tenir jusqu’au prochain ravitaillement. Le problème c’est qu’en étant vegan je ne sais jamais exactement ce que je vais trouver et je n’ai pas particulièrement le temps de lire les étiquettes des barres de céréales. Pour m’assurer de toujours avoir le carburant qu’il faut, je profite donc de l’autorisation que l’on a de se faire assister sur ces zones pour manger et me recharger en nourriture que je connais. C’est également parfois l’occasion de faire un changement de T-shirt, chaussettes en fonction des conditions climatiques.

Être ravitailleur, c’est loin d’être une activité de tout repos. Il faut préparer l’itinéraire en avance et la comparer aux horaires de passage annoncés par le coureur, qui passe son temps à courir plus vite que ce qu’il a annoncé 😛 Puis il faut prendre la voiture, souvent pour faire tout le tour de la montagne que le coureur est en train d’escalader. Enfin, sur place il faut essayer d’optimiser le ravitaillement pour que le coureur perde le moins de temps possible à chercher telle ou telle chose dans son sac. Tout ça pour voir le coureur un grand maximum de 10 min et ça repart pour le ravitaillement suivant. Sur cette course, c’était le grand bain pour mes parents. Ils avaient déjà participé à l’assistance sur d’autres courses sous la houlette de Mathilde qui gérait : temps de passage, itinéraire, croisement route / tracé de la course, mais cette fois-ci Mathilde ne pouvant pas être là, ils ont dû tout gérer de A à Z. Félicitations à eux ! C’est un soutien logistique et moral super important pour arriver au bout.

Après cette pause ravitaillement, on redescend par une piste de ski. Probablement rouge ou noire, vu le pourcentage de la pente. Vous savez ce que ça veut dire : douleur au genou, concurrent qui me double et tout le tralala. S’ensuit ensuite une section très ludique. Des petits chemins avec des pierres au milieu. De superbes vues pendant que l’on slalome entre les différents lacs. Tout est parfait, je suis dans un état de flow, jusqu’à LA chute. En marchant sur une dalle rocheuse, mes 2 pieds et mes 2 bâtons ont lâché en même temps. J’amorti ma chute à l’aide de ma mâchoire droite. Le choc m’a pas mal sonné. Les deux coureurs derrière moi m’invitent à m’asseoir et reprendre mes esprits. J’ai plutôt besoin de marcher quelques pas pour me rassurer.
Au niveau de la jambe qui a tapé, ça saigne un peu mais rien de plus méchant qu’une éraflure. Côté mâchoire en revanche, il me faut deux bonnes minutes pour faire passer le fourmillement et j’ai une douleur du côté opposé. Je suis déjà en train de me voir finir la course à coup de compote et de soupe. Je profite que ça soit encore chaud pour avaler une barre en me disant que si je n’arrive plus à ouvrir la mâchoire dans 1h ça sera toujours ça de pris. Après 5 minutes de marche et de trottinage, je rassure les deux coureurs derrière moi, qui avaient ralenti leur rythme pour s’assurer que tout allait bien, et je les encourage à reprendre leur rythme.

On arrive dans une section du parcours que je connais autour du Refuge de La Pra. C’est relativement plat, j’y passe assez vite pour me diriger vers un secteur que je ne connais pas : le Col du Loup. En bas de cette dernière montée, c’est tellement brumeux, que je ne vois pas le coureur devant moi, ni le balisage. Quelques minutes plus tard, une trouée me fait apercevoir le haut du col et la nuée de coureur-fourmis en train de l’escalader. Je mets un petit coup d’accélérateur, car après ça le reste de la journée ne sera que de la descente. En haut, un groupe de supporters très motivés s’en donne à cœur joie et avec l’écho de la montagne on peut profiter de leur encouragement pendant les quinze bonnes dernières minutes de la montée.

Début de la descente et étonnamment ça me plait. Pour cause, c’est tellement technique qu’à part les coureurs mi-homme mi-chamois personne ne court du coup. Le traceur a même été joueur en nous faisant passer dans des névés. A ce moment-là, j’ai béni mes bâtons de m’avoir permis de passer ses langues de neige sans chute, pendant que les adeptes du non-bâton se sont pour la plupart retrouvés à faire de la luge bon gré mal gré.

On enchaine ensuite sur presque 20 km de descente, mais l’inclinaison étant beaucoup moins importante que la veille, j’arrive à courir sur des sections relativement longues. Tout se passe bien jusqu’à ce que je fasse : une chute, deux chutes, trois chutes, en l’espace d’à peine une minute. C’est court une minute pour tomber 3 fois. Je prends le temps de marcher quelques pas, de m’alimenter et de me concentrer. Ça serait con de se faire une entorse ou pire alors que j’ai déjà passé les ¾ des difficultés.

J’arrive au ravitaillement, que je saute, mais cette fois j’avais bien révisé ma leçon, je ne découvre pas une bosse surprise. On sort de la forêt et on part pour 16 km de bitume jusqu’à l’arrivée. Il y a 2 ans j’aurais détesté cette section, mais avec le nombre de kilomètres que je me suis enquillé sur route ces dernières années, j’ai l’impression que ce type de passage est presque devenu une force. Je prends en ligne de mire un mec en T-shirt rose avec qui on a passé la journée à se passer et à se repasser. Je cale mon rythme et tout droit vers l’arrivée. Je sens les muscles qui tirent un peu, mais je tiens un bon 10 km/h, à ce stade de la course c’est une allure très satisfaisante. Les 6 derniers kilomètres, sont un vrai grill. Mon corps s’était habitué au temps maussade et pluvieux des 3 dernières semaines, mais en s’aspergeant régulièrement j’arrive à faire tenir le moteur jusqu’à la ligne d’arrivée.

Retour à la maison, repas, sieste expresse et on repart sur la ligne d’arrivée car aujourd’hui c’est Mimiraptor Fuentesqui court. A l’origine, il y a 18 mois il était prévu que 3 amis courent chacun une journée avec moi, mais finalement avec la distanciation sociale, les vagues, on n’a pas pu prendre le départ en même temps, mais ça reste très cool d’avoir des copains dans le coin. On rejoint Mimi au ravitaillement à 6 km de l’arrivée. Elle a l’air en forme pour quelqu’un qui vient de courir 40 bornes. Je l’encourage à bien s’hydrater et se rafraîchir car la température à encore montée de quelques degrés depuis que je suis passé. On la retrouve un peu plus tard à l’arrivée, très fier d’avoir fini ce 40 km, qui en faisait en réalité 46 et qui devient donc sa course la plus longue !
Un petit tour au supermarché pour acheter des bières avec et sans alcool. On passe un moment convivial avec la famille et les copains. Je ne m’éternise pas car la Chartreuse m’attend demain et qu’il faut récupérer d’ici là.

A demain…