UT4M Challenge : Taillefer 2/4
Au réveil, je suis assez surpris par l’état général de forme. Les muscles sont souples, j’ai de l’énergie. Juste une petite douleur au niveau de la hanche, mais quand on se rappelle les glissades de la veille rien de très étonnant. C’est plutôt bien d’être en forme car Taillefer est le plus costaud de la bande des 4. Avec ses 48 km et 3400 m de dénivelé, c’est déjà une bonne sortie en soi, mais avec la première épreuve dans les jambes c’était un peu l’inconnu.
Départ assez rapide, une première petite descente dans la boue et hop le peloton explose. Il semblerait que certains aient encore un mauvais souvenir de la journée précédente. En dehors de ça, le début de la journée ne m’a pas particulièrement marqué. Tout comme la veille, on ne voit pas grand-chose. Ça monte tranquillement jusqu’au ravitaillement de La Morte, à partir de là on repasse sur une section qui grimpe sérieusement.
Les montées sont toujours assez révélatrices de l’état de forme des gens. Là où certains, dont je fais partie, apprécient vraiment le concept de s’élever, dans l’espoir d’une hypothétique vue au sommet. D’autres ont l’air d’âmes en peine, espérant à chaque pas que ça soit le dernier. Le côté brumeux rend cette montée un peu irréelle.
Au sommet, des bénévoles nous félicitent et nous rassurent sur le fait que ça ne monte plus et que c’est une belle descente qui nous attend. De mon côté, à ce moment j’aurais volontiers échangé 1000m de D- contre 1000m de D+. Les descentes ont par le passé été signe de difficulté pour l’un de mes genoux. Jamais le même d’une course à l’autre, mais il y en a toujours un qui se réveille pour annoncer son mécontentement. Aujourd’hui, c’est le genou gauche qui essaie de faire valoir son droit de grève. Pour être très honnête, avec les douleurs à la hanche à la suite des glissades du premier jour, je savais que les difficultés arriveraient de bâbord.
J’entame donc le début de cette descente technique et très vite je me retrouve à marcher. C’est officiel, j’ai une douleur au genou gauche. En réfléchissant calmement, je me dis qu’il me reste un bon 100 km sur l’épreuve et pas mal de descentes pas très sympas à venir. Il va donc falloir la jouer fine pour passer la ligne d’arrivée des 3 épreuves restantes.
La bonne nouvelle est que je n’ai aucune douleur à la marche en descente ou à la course sur le plat. La seconde bonne nouvelle est que tant que je respecte un certain temps de “repos”, j’ entends par là : un temps où je ne cours pas en descente, la douleur diminue. J’instaure donc un rythme en descente qui sera le même jusqu’à la fin de la course : courir jusqu’à l’apparition de la douleur version légère, à partir de là je marche entre trente secondes et cinq minutes, le temps de la faire disparaître, puis je recours etc jusqu’à la ligne d’arrivée. La stratégie fonctionne, par contre c’est extrêmement frustrant de se faire reprendre en descente par les dizaines de personnes que l’on a doublées en montée. Je sais que je fais la course pour moi et non contre les autres, mais il y a un petit côté compétitif en moi qui a du mal à avaler la pilule à chaque descente.
J’arrive enfin au bout de cette première grosse descente. Le ravitaillement du lac du Poursollet est tout proche et là… je fais le boulet. J’ai inversé les ravitaillements dans ma tête et je pense que c’est le dernier de la journée. Comme je suis tout bon au niveau énergie et qu’il me reste quelques barres, je fais le choix de sauter le ravitaillement. Quelques kilomètres plus tard, je m’étonne que ça monte, alors que j’avais le souvenir d’une fin d’étape en descente. Un autre coureur me ramène à la réalité en m’indiquant qu’il reste encore 500m de D+ à faire. Je sors mon téléphone, je vérifie le profil et je réalise que j’étais complètement à côté de la plaque. Je vérifie rapidement ce que j’ai en ravitaillement sur moi. Côté nourriture, c’est juste mais ça le fait. Niveau eau je suis cours mais comme du coup il reste un ravitaillement d’eau ça va le faire aussi.
Je rigole de ma stupidité et je me lance dans l’ascension. Je monte à mon rythme classique. Le cœur tourne tranquillement à 110 BPM, tout va bien. Je rattrape une coureuse qui respire tellement bruyamment que j’ai l’impression qu’elle a un souci. Finalement, j’ai compris 2 jours plus tard qu’elle visait le maillot de grimpeuse et qu’elle était à 200% dans cette montée, d’où le fait qu’elle soit probablement en hyperventilation.
Tout va bien jusqu’à la bascule pour la descente. En effet, on s’engage de 1200m de D- sur 10 km. Avec une douleur au genou, cette descente me donne à peu près aussi envie que de marcher sur des charbons ardents saupoudrés de verre pilé. Dans tous les cas, je suis en haut de la montagne et il n’y a pas 1000 façons de redescendre alors j’y vais.
C’est long, très long. Un jour sans douleur je pourrais aller 2 à 3 fois plus vite. Je finis par mettre la frustration de côté pour essayer d’être productif. Je réfléchis constamment à ma pose de pied. Quand je dis ça ce n’est pas une image, ça veut dire qu’à chaque fois que mon pied gauche va toucher le sol je réfléchis de façon active à comment je vais le mettre pour éviter la douleur. Je vous encourage à tester ça sur 1 km en marchant. Réfléchissez à chaque pas où vous allez mettre le pied. Vous allez voir ça occupe pas mal l’esprit. L’avantage de vraiment être en pleine conscience sur ma façon de courir c’est que j’ai trouvé des méthodes pour diminuer la douleur. J’ai ainsi réalisé qu’en cas de dévers, il fallait au maximum faire que la jambe droite soit celle “dans le trou”, qu’il fallait que je ralentisse sur les virages à gauche et qu’il fallait forcer mon muscle releveur du pied à faire un peu plus d’effort que d’habitude.
Malgré toute l’énergie passée à réfléchir sur mon genou, mes pieds, j’ai eu le temps d’avoir quelques discussions lors de cette descente. En effet, l’intensité en trail étant bien plus basse qu’un marathon, on a souvent la capacité de discuter. On se retrouve ainsi à parler à un ou une inconnue, que l’on ne voit pas pendant 5, 10 parfois 30 minutes. Dans cette descente, c’est la coureuse, qui finira 3ème féminine de l’épreuve qui lance la conversation. Elle descend en petites foulées, dans un rythme qui me convient et notre discussion me permet de courir une quinzaine de minutes sans marcher, avant de devoir lâcher car la douleur est revenue.
Encore une bonne demi-heure dans le mal, puis je vois enfin le bout de cette descente infernale. On entend le speaker au loin. On finit par rejoindre le bitume. Là, la plupart des coureurs autour de moi font la moue quand ils voient le faux plat de 300 m pour atteindre, l’arrivée. De mon côté, tout ce qui ne descend pas me rend heureux.
Fin de cette deuxième journée, je me sens plutôt bien et je réalise que j’en ai encore sous la semelle pour les 2 jours à venir. En regardant le classement général, je réalise que je viens de rentrer dans le top 100. Voilà, mon nouveau sous objectif pour me motiver pour les deux jours qui restent !
Arrivé à la maison, je constate que lors de la première journée, j’avais pris ma douche debout. Alors qu’après cette deuxième journée, mes mollets me paraissent quand même très loin de mes mains. Ce sera donc douche assise pour pouvoir retirer les couches de boues sur les jambes. En espérant, être plus souple demain matin au réveil.
A demain…