GR 20 – Jour 1/3

Réveil à 3h30, dans une chambre d’hôtes juste à côté du début du GR. Dans le plan initial nous devions passer la nuit au refuge municipal. Comme nous n’avions pas de confirmation de leur part, nous avons réservé une chambre d’hôtes, que je devais annuler une fois le refuge confirmé. Finalement nous nous sommes retrouvés avec 2 réservations le Jour J et nous avons opté pour dormir dans le logement le plus sympa. Je prends donc le temps de faire un bon petit déjeuner et j’ai même le luxe d’avoir la machine à café disponible et des granolas fait maison dans la cuisine à mon réveil.

4h00, le petit déj’ est fini. J’ai vérifié une énième fois tout mon matos, je m’apprête à partir. Ma première supportrice m’accompagne jusqu’au portail du gîte. Quelques centaines de mètres plus loin me voilà sur les traces rouges et blanches qu’il va falloir trouver et suivre pendant 3 jours.

Je me rappelle très bien cette première étape que j’avais faite en pleine après-midi lors de ma précédente traversée. En plus de la faire au frais, je suis très content de faire cette portion de nuit/ L’atmosphère nocturne est toujours spéciale. Là où de jour tout se rétrécit quand on monte, de nuit on voit de plus en plus de lumières au loin. Si mon orientation est bonne, ce sont bien les lumières de Calvi que je vois au loin.

Je continue d’avancer sur cette étape qui est une ascension sèche, sans descente et avec peu de passages vraiment courables. Je croise quelques vaches qui dorment sur le chemin. Elles se réveillent lors de mon passage, mais elles n’ont pas l’air d’être troublées le moins du monde de voir un humain à cette heure.Je passe le refuge d’Ortu di u Piobbu un peu avant 7h. Ça s’active, pas mal de randonneurs démarrent entre 6h et 8h. Je me mets donc à les remonter 1 à 1. Leurs muscles sont encore tout endormis. Ils changent d’équipement après moins de 15 min de marche pour ranger leur doudoune et passer sur des vêtements plus légers. De mon côté, le short T-shirt est parfait vu l’énergie que je brûle à la montée.

La montée est assez raide. On passe sur de grosses dalles de granits en dévers et j’apprécie déjà ma légèreté. Il y a 4 ans, mon sac faisait 11kg eau comprise, aujourd’hui il en fait à peine 5. Je peux facilement sauter, grimper à 4 pattes. La liberté de mouvement et la stabilité gagnées grâce à la légèreté du sac permettent de se déplacer vraiment plus rapidement et de passer partout.

La redescente vers Carrozu est longue et bien plus technique que dans mon souvenir. Moi qui pensais pouvoir courir dans cette portion, je me retrouve à faire une succession de 2-3 pas sautés, avant de devoir marquer un arrêt, etc. Juste avant 9h30 j’arrive au refuge. Presque tout le monde est parti, ce qui m’arrange car il y a un pont de singe qui n’autorise que le passage de 2 personnes à la fois et c’est un lieu d’embouteillage habituel au départ de cette étape. Je passe donc rapidement au-dessus de la rivière, juste le temps de faire un selfie. Puis commence la partie de l’ascension qui m’avait beaucoup amusé la dernière fois. Il y a une alternance de gros pans en granit qui permettent d’être debout en toute sécurité, puis des gros blocs à escalader. Dans cette partie je rattrape pas mal de randonneurs mais les dalles sont très larges et permettent de passer à côté des gens sans les gêner.

Arrivé en haut, je m’apprête à entamer la descente quand un randonneur m’interpelle car je ne prends pas de pauses. Je lui explique que je vois le refuge d’Asco et que je ferai une pause là-bas. Il est content quand je lui montre où se trouve le refuge. Le piège ici c’est que bien que l’on voit le refuge longtemps en avance, même en mode course je passe presque 1h dans cette descente. J’avais le souvenir d’une descente technique, où j’avais croisé un chien qui galérait à descendre, et ma mémoire était bonne. C’est la première journée, je dois être cool avec mes genoux, alors je prends mon temps même si je sais que je suis très en retard sur mon prévisionnel et que Mathilde doit m’attendre sans avoir trop d’info car je n’ai pas de réseau depuis plusieurs heures.

J’arrive à Asco vers 11h30. Mathilde m’attend et me guide vers la voiture pour faire le ravitaillement. Tout est prêt dans le coffre, je m’assieds donc au pied de la voiture et je commence à manger et à recharger mon sac. On fait également le point sur ma vitesse de progression. Je suis 30% moins rapide que mon prévisionnel, ce qui signifie que je suis en dessous du rythme lent que je m’étais fixé. Une fois ce constat fait, je prends 1 minute pour changer les valeurs dans mon Google Sheet et magie voilà mes nouveaux horaires de passage, qui me promettent des journées à 18h de course contre les 14h prévues. Malgré ça l’objectif de finir le GR20 en 3 jours semble réalisable alors pas le temps de se plaindre, je repars.

Par suite d’un grave accident il y a quelques années, le tracé original du GR20 a été modifié. Il est certes beaucoup moins impressionnant que le tracé par le Cirque de la Solitude, mais on prend tout de même 1200m de D+ dans les dents. La montée s’annonce mal. A peine 30 min, après être parti d’Asco je sens un coup de pas bien. Je regarde ma montre, je suis à 130 BPM (battement par minute) en montée, alors que je dépasse rarement les 110 BPM sur ces sections. Je continue à monter, 140, 150, BPM. Je me dis que je suis en surchauffe, je m’arrête à l’ombre d’un rocher mais le rythme ne redescend pas. Je me remets debout, je suis chancelant. J’ai fait moins d’un quart de la montée et j’ai l’impression d’être déjà cuit. De plus, on est en début d’après-midi, tous les randonneurs du GR sont passés en fin de matinée et les randonneurs à la journée attendent qu’il fasse moins chaud pour se lancer. Je me donne une quinzaine de minutes pour trouver de l’eau pour me rafraîchir, sans quoi je me servirai de mon eau potable pour me refroidir. Je continue donc ma pénible ascension. Je finis par trouver de petites flaques d’eau dans lesquelles je trempe buff et manchettes, puis je me remets à l’ombre d’un gros rocher. Cette fois, le fait d’être mouillé permet vraiment au corps de se refroidir. Je perds 10 BPM par minute. Une fois redescendu confortablement sous les 130, je me remets en route.

Le coup de chaud est passé ! Je réfléchis aux raisons qui m’ont mis dans cet état et j’arrive rapidement à la brillante conclusion que rester 20 min, assis sur le macadam sous le soleil de midi, lors du ravitaillement n’est pas l’idée du siècle…La montée n’est pas terminée, je me remets en route. J’arrive dans pierrier qui nous amène jusqu’en haut. Je galère, mais quand je vois des randonneurs qui n’ont pas suivi le chemin et qui sont coincés dans une partie du pierrier qui n’arrête pas de partir sous leurs pas. En comparaison, je préfère ma situation. Je finis par arriver sur la crête et je suis content de pouvoir observer le paysage. Lors de mon dernier passage ici, tout était brumeux et il faisait particulièrement froid. Pour une fois je prends le temps de faire une petite pause au sommet. J’ai même le temps d’échanger rapidement avec quelques randonneurs. Certains posent leur sac ici pour aller au Monte Cinto, point culminant de la Corse à 2706 m. C’est sur ma to do des choses à faire en Corse mais à ce stade j’ai déjà monté l’équivalent du Mont Blanc, à chaque jour sa peine.

J’attaque la descente qui avait été un enfer 4 ans plutôt. J’y avais fait une mauvaise chute sous une pluie d’orage et j’avais assisté à la chute d’une randonneuse qui avait dû être évacuée par hélicoptère le lendemain à la suite d’une fracture. Aujourd’hui, les rochers sont secs. La descente est facile et agréable. J’arrive au refuge de Tighjettu à 15h15. Il y a pas mal de monde. En effet l’étape Asco – Tighjettu est assez balaise, du coup peu de gens la double. Tighjettu est donc un peu un passage obligé. En voyant que je sors mes gourdes alors que tout le monde attend qu’une nana finisse sa lessive, les gens sont étonnés que je reparte. Je leur explique rapidement mon projet. J’ai plusieurs encouragements. Un mec me harcèle de questions et commentaires pas particulièrement bienveillants sur le fait de faire le GR20 en 3 jours. J’explique que randonner et faire du trail sont 2 activités différentes même si elles se passent sur le même terrain de jeu et avec du matos assez similaire. Mon sandwich est fini, je leur dis au revoir et je me lance dans la descente qui m’amène à la dernière montée de la journée.

La grimpette me parait plus facile que dans mon souvenir, mais plus longue également. Le fait que je me sois un peu perdu a probablement joué sur mon ressenti. C’est dans ces cas là que je me dis qu’avoir déjà fait le GR est un net avantage. Je ne sais pas où j’ai exactement perdu la trace, mais je sais où je dois aller. J’entame donc ma bifurcation dans ce sens. Une dizaine de minutes plus tard, je retrouve les traces rouges et blanches. Je vois également un randonneur, ce qui me donne un sursaut d’énergie pour avaler les derniers mètres de D+ de la journée.

Au niveau du col, je fais une petite bifurcation pour éviter le refuge suivant. J’avais déjà prévu de prendre cet itinéraire et le fait que l’on m’a informé au refuge précédent que le point d’eau de ce refuge est à sec, me conforte dans mon choix. J’entame donc cette dernière descente en sachant que Mathilde ne se trouve pas très loin.

Un quart d’heure plus tard, je finis par rejoindre Mathilde. Nous finissions la partie de la descente technique tranquillement. A l’arrivée dans le sous-bois Mathilde m’informe qu’elle est ok pour courir. Nous finissons les derniers kilomètres ensemble. Arrivé au Col Vergio, je réalise que l’hôtel que l’on a réservé n’est pas à 3 km mais à 30 minutes de route. Je dis à Mathilde d’y aller et que je mangerai dans la voiture. Bien que je ne sois pas sensible au mal des transports, vouloir manger dans une voiture sur des routes de montagne après 14h d’effort, n’est pas une bonne idée. Après 5 min, j’ai une nausée que je n’arriverai à faire passer qu’après avoir passé 30 minutes tranquille à l’hôtel. Je fais tout ce que je peux pour récupérer au mieux, car demain s’annonce être une très longue journée. Avec ma vitesse de progression de la journée, il faut que je compte une arrivée à 22h. Je m’endors, déjà satisfait d’avoir avaler 5000m de D+ et 50 km.