Triathlon Fulldistance – Deauville 2023

Il y a 10 ans, je découvrais le concept d’Ironman. Avec mes capacités de nage de 12 m en piscine et de 10km de course à pied, ça me faisait déjà rêver tant ça me paraissait fou. Mimi m’avait un peu remis les pieds sur terre à base de “Un Ironman ça demande beaucoup, beaucoup d’entraînement là tu rêves un peu”. La vie a suivi son cours. Je me suis remis au sport, puis un peu plus, et probablement que je suis aujourd’hui plus vers le stade “beaucoup, beaucoup”.

La course à pied et le vélo ne m’ont rapidement plus fait peur. Au pire c’est long, voir très long, mais à chaque pas et coup de pédales on avance dans la bonne direction. La natation par contre c’est un autre sujet, où en plus de ne pas avancer tu peux aller dans la mauvaise direction. Alors j’ai repris le chemin de la piscine. J’ai pris des cours de natation pour enclume. Finalement l’année dernière je me suis inscrit à un triathlon distance L pour me forcer à devoir progresser en natation. Une fois cette étape validée, il était temps de passer sur la distance XXL.

Après quelques recherches sur les distances Ironman en France, je me suis rapidement tourné vers Deauville pour deux raisons majeures :

C’est proche de la maison et j’ai de la famille partout en Normandie ce qui facilite la logistique.

Pour la première année, la natation ne se faisait pas en mer mais dans un lac, à Pont l’Evêque ce qui me rassurait beaucoup quant à ma capacité de finir.

Alors c’est parti pour vous raconter mon triathlon de Deauville.

Natation 🏊‍♂️

La veille de course Mathilde a demandé à l’arbitre la température de l’eau pour savoir si l’on pourrait mettre la combinaison. La réponse était trop chaude au bord et nous n’avons pas les moyens d’aller au centre aujourd’hui. Il y a un an, j’aurais été terrorisé de ne pas avoir la combinaison qui est une aide non négligeable à la flottaison, mais après les progrès effectués cette année et une séance test de 3800 m en piscine, je savais que je serais capable de finir la natation avec ou sans combinaison.

Le jour J, c’est la bonne surprise. L’eau est à 24°C ce qui signifie que la combinaison est autorisée. La température extérieure est agréable, j’ai même la motivation pour aller dans l’eau et faire un très rapide échauffement.

On s’approche de l’heure du départ. Contrairement à l’année dernière où j’étais parti littéralement dernier de la plage pour ne pas être dans ce que l’on appelle “la machine à laver”, cette année, confiant de mes progrès, je me dis que me positionner dans la seconde moitié du groupe ne semble pas déconnant. Assez rapidement je regrette mon placement, je suis en plein milieu du tambour, si je dois continuer à filer la métaphore. Impossible de nager plus de 3 mouvements sans toucher quelqu’un ou être touché. L’eau n’étant pas mon élément favori, le stress monte rapidement et je dois parfois prendre plusieurs minutes pour me calmer. Ceci étant dit j’avance, ma montre m’annonce un temps plutôt bon pour mon niveau. Alors go,go,go. Je laisse mon cerveau divaguer et je réalise que j’ai oublié mon compteur de vélo dans le sac. Sachant que le compteur est une aide précieuse pour gérer l’effort, je suis un peu dégouté de mon erreur. Heureusement, la natation se passe en 3 boucles avec ce que l’on appelle une sortie à l’australienne : en gros on sort de l’eau, on court sur la plage et on repart. Je profite donc du moment sur la plage pour crie! à Mathilde que j’ai oublié mon GPS dans le sac.

On repart sur la seconde boucle. Je commence à réaliser qu’il y a beaucoup d’algues. Dans l’euphorie du premier tour j’étais concentré sur d’autres choses, mais je réalise qu’il est quasi impossible de nager à certains endroits. Je me demande comment les autres font pour crawler à cet endroit alors que ma main se trouve bloquée dans les tas d’algues à chaque mouvement. Je passe en mode brasse de surface pour essayer de contourner le problème.

Lors du troisième tour je commence à avoir de sérieuses nausées et mal à la tête. Je ne sais pas si c’est l’eau du lac, mes lunettes trop serrées ou une oreille interne capricieuse. Je tente différentes stratégies dont nager les yeux fermés. Le temps me paraît long, je continue de me battre avec les algues, le moment où j’en ai vraiment ras le bol est celui où je me trouve le plus loin du bord, le plus court pour sortir de ce merdier est donc de rejoindre la plage.

Terre en vue 🌱 !!!!!!!!!! A ce moment là probablement un peu optimiste je me dis que la natation étant terminée je vais finir ce triathlon. La suite des événements va me ramener un peu à la réalité de ce qu’est cette épreuve.

Mathilde est à l’entrée du parc à vélo avec mon GPS. Gros soulagement, le vélo ne va pas complètement se faire à l’aveugle. Je sors de l’eau en position 152 / 223

Vélo 🚴

Malgré un état de forme un peu moyen en sortant de l’eau j’arrive à prendre le temps de me ravitailler pendant que je me change pour le vélo. Une fois sur le vélo, je commence à rattraper des gens. Comme pour le Ventouxman l’année dernière c’est assez grisant de faire PacMan. Je roule peut être un peu fort, mais avec les chaleurs annoncées dans l’après midi je me dis que ce qui est fait ne sera plus à faire.

Le vélo se compose de 2 boucles, l’une que l’on fait 1,5 fois avec seulement les coureurs du XXL, l’autre que l’on fait 1,5 fois avec les coureurs du L également. La boucle XXL est plutôt sympa, je me trouve même un compagnon de route : Jonathan, avec qui on discute avant de se perdre puis de se retrouver 3 ou 4 fois sur le parcours, ça fait passer le temps et ça évite de trop s’endormir sur les pédales. La boucle du L me plait beaucoup moins. D’une part, car je commence à chauffer, surtout que j’ai récupéré un bidon seulement ½ plein sur le dernier ravitaillement, et à ne plus avoir des masses d’énergie. D’autre part, car on est rejoint par les coureurs du L qui vont pleine balle, ce qui est un peu démoralisant et qui empêche complètement de se situer dans la course XXL.

Puisque l’on parle du parcours, on a beau être en Normandie, celui-ci est assez exigeant. Je finis avec 1900m de D+ au compteur. Certes c’est pas le Ventoux mais il y a des petites subtilités comme la côte St Laurent avec plus de 130 km dans les jambes. Voici la petite description qu’en fait l’organisation :

“Vous n’échapperez donc pas à la difficulté majeure du parcours : la côte Saint-Laurent ! Avec une moyenne de 15% d’inclinaison et 17% à la fin, cette côte d’une longueur totale de 200m est redoutable, même pour les plus entraînés”

Pour être honnête malgré l’ambiance Tour de France de cette côte, j’ai mis pied à terre. D’ailleurs big up au speaker et aux bénévoles qui étaient là pour encourager et nous aider à nous remettre en selle en haut de cette difficulté !

Comme le dénivelé ce n’était pas suffisant il y avait également deux passages quasi Gravel que l’on passe 2 fois chacun. Même cirque à tous les tours des bidons, des chambres, de la nutrition au sol tellement ça saute et à la fin de la section 2-3 coureurs dépités qui réparent leur crevaison.

Je pose le vélo en position 103 /223. J’ai gagné 50 places, ce n’est pas une surprise au vu de ma différence de niveau entre la natation et le vélo.

Course à pied 🏃

J’arrive sur la course à pied avec en tête de faire moins de 4h, idéalement 3h30. La réalité qui est planquée au bout de l’aire de transition me met une grosse claque

Le début de la course à pied a été un enfer. Je ne peux rien manger et dès que mon pied droit touche le sol ça me provoque des douleurs dans tout le ventre. J’ai le haut du corps tellement contracté que je n’arrive pas à respirer à fond, alors parler de manger ou boire dans ces conditions est impensable. Au kilomètre trois, ma montre m’annonce 8’58 min/km soit à peine ma vitesse de marche rapide et 50% de la vitesse prévue sur la course à pied. Je ne suis pas prêt mentalement à passer 6h pour faire un marathon, alors s’engage une grosse bataille mentale :

👿– “Abandonne, tu n’avances à rien”

👼– “Ca fait 10 ans que tu veux faire un Ironman”

👿– “Abandonne, ça fait mal hein, surtout quand on appuie là ?”

👼– “Aller tu as fait le plus dur”

👿– “Abandonne, tu crois qu’il y aura encore des bières à 1h du mat ? rêve !”

👼– “Aller prend ça comme une préparation pour les courses longues que tu veux faire l’année prochaine”.

👿– “ Abandonne, tu as vu l’état dans lequel tes supporters vont te voir ?”

👼– “Les supporters ont attendu toutes la journée 1h de plus ou de moins ce ne leur change plus grand chose”

👿“ Abandonne, bip bip encore un kilomètre ou tu avances moins vite que ma grand mère”.

👼– “C’est un objectif A de ton année, on abandonne pas un objectif A sauf sur blessure.”

👿: “Abandonne maintenant, vu le temps que tu mets tu ne vas pas avoir assez à manger jusqu’à la fin, tu vas abandonner à 30km ça serait con”

👼– “Bon j’ai l’argument ultime, tu n’as plus envie de devoir nager 3,8 km de ta vie ? alors fini ce truc et on en parle plus une bonne fois pour toute.”

Sur la fin de cette bataille mentale, Mathilde qui était sur le bord du chemin m’a aidé à prendre les choses calmement. Prendre le temps de s’arrêter, de s’étirer, de respirer. En trail, je commence à avoir 2-3 expériences où j’ai touché le fond avant que ça ne reparte, alors je transpose et je me dis que je vais prendre le temps. Je prends aussi la meilleure décision de ma course à savoir couper l’auto-lap qui me donne ma vitesse à chaque kilomètre. Éviter d’avoir un rappel régulier sur le fait que je suis très en deçà de ce que j’avais prévu me permet de me concentrer sur la course. Il y a 8 boucles à faire, alors on va les prendre 1 à 1 et on va finir.

A ce stade, tous les plans : allure, nutrition et hydratation partent à la poubelle, au profit du nouveau plan fait sur le tas.

Côté nutrition c’est facile, je ne peux rien avaler de solide alors on va profiter du sponsor de l’épreuve : Coca Cola. A chaque passage dans la tente du ravito 1 verre de Coca, 1 verre d’eau et on recommence ça 14 fois. On n’est pas sur de la diététique sportive de pointe, mais ça fait le taff.

Au niveau des allures, je cours quand je peux. Dès que je suis dans le sable (oui ils ont foutu un passage dans le sable sinon c’était trop facile comme course) ou sur un faux plat montant je marche activement. Étonnement tour après tour ça va de mieux en mieux. Là où mes concurrents commencent à galérer, j’avance et reprend une dizaine de places par boucle.

D’ailleurs en parlant de boucles, sur le papier, la course à pied de Deauville n’a pas l’air très sexy : 8 boucles en mode aller-retour sur la promenade. Bref du béton, des planches et un peu de sable, des touristes et tout ça 8 fois. Dans les faits j’ai trouvé ça vraiment pas mal :

Tu revois tes supporters très souvent. D’ailleurs merci à mes parents, Mathilde et aux copains en live pour les encouragements.

Les supporters de façon générale sont plus concentrés ce qui rend l’ambiance plus électrique et ça aide à avancer quand il n’y a plus grand chose dans la machine.

Tu sais parfaitement où sont les ravitaillements et tu peux facilement comparer tes tours l’un après l’autre.

Tu revois le copain que tu as croisé en vélo ou en CAP grâce à l’aller retour. Ça permet d’échanger 2-3 mots et de faire passer le temps.

Je finis la course à pied et donc l’épreuve 96 /223, j’ai donc repris une dizaine de places malgré ce que je pensais être une course catastrophique. Ça rassure un peu de voir que l’épreuve a été dure pour tout le monde.

Temps officiel : 13:23:45 et surtout finisher de ce gros chantier.

Maintenant il est temps de se reposer, car dans 2 semaines c’est le début de la prépa trail avec des marches à monter et à descendre des centaines de fois, pour préparer le Trail du Bourbon à la Réunion en octobre.

Guillaume